Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a effectué, du 3 au 5 mars, sa deuxième visite à Bruxelles en 8 mois. Il y a retrouvé Donald Tusk, le président du Conseil européen, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne et la Haute représentante de l’Union européenne pour la politique extérieure, Federica Mogherini.
Par Anne-Marie Mouradian
Pour la première fois, il a aussi pris la parole devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen. Il y a été chaleureusement encouragé et félicité pour le mouvement démocratique pacifique initié par la révolution de velours, un processus assez exceptionnel dans la région, ont souligné plusieurs eurodéputés. « Un processus irréversible », a assuré le Premier ministre arménien, « mon pays a choisi la démocratie mais la démocratie doit être renforcée et protégée, la collaboration de l’Europe est primordiale car plus importante sera son aide financière et technique, plus rapidement mon gouvernement pourra avancer dans les réformes ». Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a assuré: « Plus l’Arménie réformera, plus nous la soutiendrons » et Federica Mogherini a souligné la volonté de renforcer la coopération euro-arménienne.
Accélérer le processus
Nikol Pashinyan a rappelé à ses interlocuteurs les défis et objectifs de son gouvernement parmi lesquels la lutte contre la pauvreté alors qu’un tiers de la population arménienne vit toujours sous le seuil de pauvreté. Autres objectifs prioritaires : la poursuite de la lutte contre la corruption, l’instauration d’une justice indépendante, la réforme de l’éducation, le développement de l’économie qui doit passer par la reconstitution d’une classe moyenne solide, l’égalité des chances...
Ce programme est soutenu par le CEPA, l’accord de partenariat complet et renforcé signé entre l’Union européenne et l’Arménie en novembre dernier. Celui-ci fonctionne déjà à titre provisoire mais n’entrera officiellement en vigueur qu’après ratification par l’ensemble des Etats membres de l’Union. A ce jour, seul un tiers des pays l’ont approuvé, aussi Nikol Pashinyan a-t il appelé l’UE à accélérer le processus.
Erevan a déjà proposé une feuille de route avec un calendrier d’actions concrètes pour la mise en œuvre de l’accord. Donald Tusk, chef du Conseil européen, a affirmé : «Nous sommes décidés à faire des promesses du CEPA une réalité qui bénéficiera à la fois à l’Arménie et à l’UE » et indiqué que l’Europe est le premier marché de l’Arménie qui y écoule 28% de ses exportations.
De nouvelles aides à l’Arménie ont été annoncées dans des secteurs spécifiques en soutien, entre autres, au développement des petites et moyennes entreprises, de projets d’infrastructures de transports, d’efficacité énergétique ou encore de lutte contre le changement climatique...
Le Premier ministre arménien a par ailleurs appelé l’Europe à ne plus trop tarder à instaurer la libéralisation des visas qui permettrait aux citoyens arméniens de voyager librement dans l’espace Schengen pour des séjours de courte durée n’excédant pas trois mois. La mesure est très attendue à Erevan. Ce serait un des résultats les plus tangibles de l’accord de partenariat. Le sujet est politiquement très sensible en Europe depuis l’apparition de la crise migratoire. Or, à partir des élections européennes de mai prochain, l’UE se concentrera en priorité sur la recomposition de sa scène politique, sur fond précisément de crise migratoire et de montée des populismes. Le Parlement européen sera renouvelé ainsi que la Commission européenne, les présidents de la Banque centrale européenne, du Conseil européen... De quoi changer le visage de l’Europe.
Selon les observateurs à Bruxelles, il faudra sans doute attendre le renouvellement de la classe politique européenne, à la fin de cette année, pour que reprennent les « affaires normales » et voir des avancées importantes dans les relations entre l‘UE et les pays de son « partenariat oriental» qui regroupe l’Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie, l'Ukraine et la Biélorussie. Une instance qui fêtera ses dix ans le 7 mai prochain et au sein de laquelle l’actuelle expérience arménienne pourrait servir d’exemple.