Quelques réflexions après le départ de la délégation régionale

L'édito du mois
22.01.2020

Janvier 2020 marque un anniversaire particulier – celui des pogroms anti-arméniens de Bakou qui sont devenus la culmination des persécutions, signant l’exode définitif de la jadis nombreuse communauté arménienne d’Azerbaïdjan.

Oui, on s’en souvient comme si c’était hier : il y a trente ans, des pogroms d’une cruauté moyenâgeuse ont éclaté dans la capitale de l’Azerbaïdjan voisin, faisant suite aux massacres qui avaient eu lieu deux ans auparavant dans la petite ville industrielle de Soumgaït, à 30 kilomètres de Bakou, mais aussi, à degrés différents, dans quelques autres villes du pays, entre 1988 et 1990, faisant fuir la population arménienne d’Azerbaïdjan.  

Cependant, celle de Bakou restait, en croyant naïvement que la capitale serait épargnée par cette montée de la violence et de la haine.  La mémoire collective essayait de ranger dans des « archives » les exterminations d’Arméniens répétées de 1905 et de 1918 qu’a connu cette ville. En vain. Les méthodes étaient les mêmes, les conséquences – encore plus graves, car cette fois-ci, les massacres et les déportations forcées ont touché quelques centaines de milliers de personnes. C’est l’intervention de l’armée soviétique lorsque les pogroms anti-arméniens réalisés par le Front populaire, avec la complicité des officiels, ont commencé à se transformer en manifestations contre le pouvoir de Moscou, qui a mis fin à ce bain de sang…

Depuis, on assiste à un spectacle morbide où Bakou officiel commémore, chaque 20 janvier, la mémoire… des « shahids » azéris victimes de cette intervention militaire. Et pas un mot sur le sang arménien qui a coulé dans les rues de la capitale pendant toute une semaine, du 13 au 20 janvier 1990.

C’est cette impunité, ce cynisme d’Etat qui créent des monstres comme Ramil Safarov, un officier azéri qui, en 2004, a décapité dans son sommeil son collègue arménien, en marge d’une formation organisée par l’OTAN à Budapest, et qui a reçu pour cet acte promotion et récompense financière des mains du président Aliev… Dans un Etat où la haine envers l’autre est inculquée dès l’école maternelle, faisant partie du programme pédagogique, on pourrait difficilement s’attendre à un autre comportement. Et la société civile dans tout cela ? Abasourdie par le poids d’un Etat dictatorial, elle est silencieuse, sinon complaisante, à quelques rares exceptions près.

Une dernière dans le genre, si l’on en avait besoin : il y a quelques jours seulement, le ténor azéri Yusif Eyvazov a exigé de Semper Opera Ball de Dresde, en Allemagne, de supprimer la participation de la cantatrice Ruzan Mantashyan, d’origine arménienne, faute de quoi il annulait sa prestation. Qu’est-ce que c’est sinon l’expression ultime de haine qui, avec cette protection étatique si bien organisée, finit par devenir l’idéologie nationale. Y aura-t-il quelqu’un un jour pour arrêter cette hystérie?