Etchmiadzine bénit le Myron, symbole de l'Unité nationale

Société
30.09.2024

Pour la quatrième fois de son catholicossat, Karekin II, patriarche suprême de tous les Arméniens a célébré, le 28 septembre, la bénédiction du "Myron", la myrrhe sacrée, l'huile sainte de l'église arménienne.

Texte et Photos par Olivier Merlet

 

Le 28 septembre, jour de commémoration de Saint Gevorg (Saint Georges), Sa Sainteté Karekin II, Catholicos de tous les Arméniens, a présidé la bénédiction du "Myron", la myrrhe sacrée de l'église apostolique, un rite enraciné depuis des siècles dans la tradition arménienne. La célébration du "Myron" est bien plus qu'une cérémonie religieuse. Elle symbolise l'Union nationale arménienne, censée transcender tous les clivages et divisions, qu'ils soient les divisions sociales, politiques et géographiques.


Sous le dais, Leurs Saintetés Le Catholicos Karekin II ( à dr.) et
l'archevêque Sahak Mashalyan, patriarche arménien de Constantinople (à g.)

Pour cette cérémonie exceptionnelle, le Saint-Siège avait prévu un peu plus de 1000 places assises réservées aux personnalités, ambassadeurs, diplomates et donateurs du monde entier. Derrière les barrières, dans l'enceinte même de la cité sainte d'Etchmiadzine, ils étaient au moins trois fois plus de fidèles. Toutes les Églises chrétiennes, orthodoxes, catholiques, coptes, maronites ou protestantes y étaient aussi représentées, en place d'honneur, juste en contrebas de l'autel du "Tabernacle ouvert" de Saint Trdat.  

Les hauts-représentants du gouvernement ont cependant brillé par leur absence, seuls deux des trois vice-présidents du parlement, Hakob Archakyan et Ruben Rubinyan, et un député du "Contrat civil" assistaient à la cérémonie. Le Premier ministre, le président de la République et de l'Assemblée nationale étaient toutefois présents le lendemain lors de la re-consécration de la Cathédrale-Mère d'Etchmiadzine.


Les représentants des Eglises chrétiennes dans le monde

Le "Myron", considéré comme l'expression matérielle du Saint-Esprit, joue un rôle central dans la vie religieuse arménienne. Son histoire remonte au premier siècle de l'ère chrétienne lorsque Saint Thaddée, l’un des apôtres du Christ, aurait guéri le roi Abgar V d’Arménie d'une maladie de peau réputée incurable (peut-être la lèpre) grâce à l'onction d'une huile à base de myrrhe. La myrrhe bénie est devenue depuis un élément sacré de la tradition apostolique, tenue pour unir spirituellement les Arméniens à travers le monde.

La préparation du "Myron" est un processus complexe qui se déroule sur plusieurs jours, au cours desquels l’huile est lentement distillée à partir d'huile d'olive et de baume. Si le manuscrit des "Rites patriarcaux" rassemblés au XV siècle par le Catholicos Zakaria III mentionne 40 ingrédients entrant dans sa préparation, elle compterait aujourd'hui un total de 72 substances, herbes, fleurs et épices « d'Arménie et d'Artsakh », précise le Saint-Siège, mais aussi de Grèce, de Palestine, d'Iran, d'Inde et d'autres pays.


L'huile originelle, béatifiée par Saint-Grégoire l'Illuminateur, sort de la Cathédrale-Mère

À chaque bénédiction, tous les sept ans normalement, l'huile originelle, dit-on, est incorporée à la nouvelle, perpétuant ainsi un lien direct avec la première myrrhe bénie par Saint Grégoire l'Illuminateur, l'évangélisateur de l'Arménie au IVème siècle. Seul le Catholicos a le privilège d’accomplir ce rituel, rendant à la cérémonie son caractère exceptionnel, tout son faste et sa solennité. L'huile sacrée est ainsi préparée dans un grand chaudron d'argent dans lequel le patriarche suprême plonge les trois reliques, sacrées elles-aussi : la Sainte Croix, qui contient une relique du Christ, le Saint Geghard, le fer de lance ayant percé le flanc du Christ, et le sceptre symbolisant la main droite de Saint Grégoire l'Illuminateur.​

Le "Myron" sera par la suite distribué aux diocèses et aux églises arméniennes du monde entier pour en oindre les portes, les cloches, la croix du dôme, l'autel, les icônes et les fonts baptismaux. Elle est également utilisée lors de l'ordination des ecclésiastiques, des prêtres, des évêques et du Catholicos.

Tout Arménien, au moins une fois dans sa vie lors du baptême est oint de cette même myrrhe sacrée. Elle est non seulement perçue comme une huile bénite mais comme un symbole de l'appartenance à la foi chrétienne et à la nation arménienne, un véritable sceau identitaire, unique et national, transcendant les divisions sociales, politiques et géographiques, un lien inaltérable entre l'Arménie d’hier, historique, et celle d’aujourd’hui, l'Arménie moderne.


Leurs Saintetés Le Catholicos Karekin II ( à dr.) et l'archevêque Sahak Mashalyan, patriarche arménien de Constantinople (à g.)


Le fer de lance, la croix, le bras, les trois reliques sacrées


Les fidèles se pressent pour toucher la relique sacrée du bras doit de Saint-Grégoire l'Illuminateur


Samvel Karapetyan, patron du groupe Tashir et bienfaiteur de l'Eglise, dévoile le Chaudron du Myron


Le fer de la lance qui a percé le côté du Christ va être plongé dans le Myron


Karekin II - A sa gauche,le patriarche de Constantinople


Le sceptre contenant les reliques du bras droit de St Grégoire l'Illuminateur  est plongé dans le Myron


Le tabernacle ouvert de Saint Trdat


Le "carré" des personnalités, la foule massée derrière