Les six chefs d'État représentants des pays signataires du Traité de sécurité collective se retrouveront demain à Erevan pour discuter notamment d'une aide à la défense militaire de l'Arménie dans le cadre de leur organisation (OTSC). Aval ou fin de non-recevoir, la décision attendue devrait sonner comme un moment de vérité.
Par Olivier Merlet
La session des dirigeants des États membres de l'OTSC qui se tiendra demain 23 novembre à Erevan pourrait faire date dans l'histoire de l'organisation, quoi qu'il en ressorte. Outre les questions habituelles liées à son mandat - le traitement de l'actualité de la sécurité internationale et régionale - l'Organisation, saisie par le pays qui en assure pour la dernière fois la présidence tournante, à savoir l'Arménie elle-même, est cette fois appelée à revoir son système de réponse aux situations de crise et à se prononcer sur l'éventualité de mesures communes pour lui fournir l'assistance convenue, par traité, suite à l'agression d'un pays non-membre, l'Azerbaïdjan. En d'autres termes, justifier sa raison d'être : garantir à chacun de ses membres signataires l'assistance commune de tous les autres en cas d'agression d'un pays tiers.
Le torchon brûle depuis plusieurs mois déjà entre et l'OTSC et l'Arménie, celle-ci lui ayant reproché à de nombreuses reprises son inaction depuis les premières prises de position d'unités armées azerbaïdjanaise sur son territoire en mai 2021. Suite à l'attaque massive déclenchée par Bakou en septembre dernier, Nikol Pashinyan a officiellement et expressément réclamé l'intervention de l'Organisation censée la défendre. Pour toute réponse, cette dernière a mollement consenti à l'envoi sur le terrain d'une mission d'évaluation dont l'avis et les observations devraient être rendus au cours de cette session d'Erevan du 23 novembre.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko qui reprendra les rennes de l'OTSC à partir de janvier 2023, dans un peu plus d'un mois seulement, a publiquement rejeté les demandes de l'Arménie concernant une position claire de l'OTSC sur l'Azerbaïdjan. Lors de la dernière téléconférence des dirigeants de l'organisation le 28 octobre, justifiant le recours à la force par Bakou « poussé dans un coin et ne lui laissant d'autre solution », il a clairement indiqué que l'organisation n'entreprendrait aucune action militaire contre elle ni ne soutiendrait unilatéralement l'Arménie. « L'Azerbaïdjan reste une nation amie de l'OTSC, Aliyev est notre homme» avait déclaré le président biélorusse. Sa position, assimilant l'Arménie, membre de l'OTSC, à l'Azerbaïdjan, qui n'en est pas membre, a suscité des réactions de colère en Arménie, certains groupes d'opposition appelant le pays à quitter l'alliance de défense dirigée par la Russie ou à en geler sa participation.
Le 16 novembre, s'adressant à l'Assemblée nationale, Nikol Pashinyan dans une rare critique ouverte de l'organisation pilotée par Moscou, a souligné qu'Erevan n'avait «aucune envie d'inciter à une guerre » entre l'Organisation du traité de sécurité collective et l'Azerbaïdjan, mais a averti que la position politique du bloc était "très importante" pour l'Arménie et son public. « La position de la République d'Arménie est claire, à savoir que les troupes azerbaïdjanaises doivent se retirer des territoires occupés de l'Arménie vers les positions qui existaient avant le 11 mai 2021. Fondamentalement, la communauté internationale soutient notre position. Nous espérons que l'OTSC la soutiendra également. La situation est étrange, car il semble au contraire que l'OTSC aurait clairement dû nous défendre et nous aurions dû travailler avec d'autres partenaires pour construire une position. » Dans ce même discours, le Premier ministre arménien s'adressait aussi à ses homologues du Traité de défense collective : « J'espère que vous enregistrerez ce consensus lors du sommet de l'OTSC qui se tiendra à Erevan le 23 novembre. Il s'agit d'une décision et d'une position de principe pour la République d'Arménie. Je pense que l'attitude des citoyens de la République d'Arménie envers l'OTSC et l'avenir de nos relations se formeront en rapport avec cette question».
Hier, lundi 21 novembre interrogé sur la possibilité que l'Arménie reçoive une assistance militaire plus active de la part de l'organisation et de la Russie, Konstantin Kosachev, vice-président du Conseil fédéral de Russie, a estimé « le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, à [son] avis, ne relève pas de la compétence de l'OTSC, chacun des États membres décide indépendamment de son attitude à son égard. Quant à la Russie, on sait que nous soutenons sincèrement le règlement. De plus, nos efforts sont également exigés des deux côtés. Il ne peut en être autrement, la situation ne peut évoluer que de cette façon. Accepter la position de ne soutenir qu'une seule partie dans ce conflit signifiera l'aggraver. Dans ce conflit, adopter une position de soutien d'une seule partie signifiera l'approfondir. Il est nécessaire d'adopter la position d'un règlement pacifique et de soutenir que les termes de ce règlement sont acceptables pour toutes les parties ».
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov est attendu à Erevan dans la journée pour assister à la réunion préparatoire de celle des chefs d'État qui se tiendra demain. Vladimir Poutine effectuera bien le déplacement, ce sera sa première visite depuis la guerre des 44jours. Il rencontrera Nikol Pashinyan « dans le cadre du sommet de l'OTSC » a précisé Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov.