Emmanuel Macron : « Nous ne les lâcherons jamais, les Arméniennes et les Arméniens »

Actualité
13.10.2022

Invité à s'exprimer sur les derniers développements de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron, en direct de la télévision publique française le 12 octobre, a consacré plusieurs minutes de son intervention à la situation en Arménie. Il répondait à la lettre que lui a adressé l'écrivain-voyageur Sylvain Tesson à son retour d'Erevan il y a deux jours.

« L'Arménie n'est pas un territoire comme les autres. Sa foi, son histoire, sa mémoire, sa culture, son chagrin, sa terre, ses morts en font le poste avancé de l'Europe. Monsieur le président, les Arméniens vous appellent, la France saura-t-elle prendre le risque d'entraîner ses alliés à se lever pour l'Arménie? »

Monsieur le Président, c'est une lettre de Sylvain Tesson qui va être publiée dans Le Figaro-magazine ce week-end.

D'abord, Sylvain Tesson a raison de le dire, l'Arménie est un pays avec lequel nous avons un lien unique. Parce que l'Arménie s'est toujours battue pour une forme d'universel et de tolérance dans cette région.

Et on les laisse tomber ?

Non, ce n'est pas vrai du tout, j'y ai passé la nuit il y a quelques jours et donc, je peux vous dire qu'on ne les laisse pas tomber. L'Arménie, c'est un peuple au côté duquel nous étions -notre marine a aidé ce peuple - il y a maintenant un peu plus d'un siècle quand l'Arménie a subi le génocide que nous avons, nous, reconnu. Nous nous sommes battus contre les négationnistes ou les révisionnistes du génocide qu'a subi l'Arménie. Beaucoup de familles sont venues en France, beaucoup de nos compatriotes ont des origines arméniennes et ils nous écoutent.

Aujourd'hui l'Arménie est dans quelle situation ? D'abord, il y a 2 ans, elle a subi une guerre dans le Haut-Karabakh qui était un territoire non reconnu sur le plan international. Il y avait là-dessus une controverse, mais l'Arménie était dans le Haut-Karabakh qui est un territoire situé au cœur de l'Azerbaïdjan. L'Azerbaïdjan a lancé une guerre terrible, avec beaucoup de morts, avec des scènes atroces, et elle a repris ce territoire.

Au mois de septembre dernier, l'Azerbaïdjan a lancé le long de la frontière plusieurs offensives. En particulier, de manière évidente, on le voit sur cette carte, pour pouvoir vraisemblablement établir un corridor d'un bout à l'autre de son territoire.

Que peut-on faire ?

Nous l'avons clairement condamné. J'ai eu tout de suite le président Aliyev d'Azerbaïdjan et le Premier ministre Pashinyan d'Arménie. Il est venu à Paris quelques jours plus tard, la France fait partie des puissances de médiation. D'abord, j'ai voulu que ces pays puissent être invités à Prague lors de la réunion de la Communauté politique européenne, ce qui a permis, entre parenthèses, pour la première fois dans l'histoire récente, à un premier ministre arménien de rencontrer un président turc. Je le dis pour montrer l'importance de cette réunion de Prague. Surtout, pendant plusieurs heures, avec le président du Conseil européen, nous avons réuni les deux protagonistes, c'est-à-dire le Premier ministre arménien et le président d'Azerbaïdjan. Nous avons décidé tout d'abord que les deux parties s'engageaient à reconnaître les frontières de 1991, cette ligne blanche que l'on voit sur la carte, et qu'ils acceptaient le principe d'une mission de l'Union européenne qui part ces jours-ci et qui va donc aller sur le terrain constater les infractions pour permettre ensuite à la communauté internationale de se prononcer et de restaurer l'ordre ainsi que le respect des frontières.

Vous voyez, tout est lié. Sur cette frontière, que se passe-t-il depuis deux ans ? Vous avez 5000 soldats russes qui sont là et qui sont prétendument des gardes-frontières. Lors de ce conflit, il y a eu un conflit sous-jacent : la Russie a utilisé ce conflit qui datait de plusieurs décennies et elle s'y est immiscée en jouant manifestement le jeu de l'Azerbaïdjan, avec une complicité turque. Elle est revenue là pour affaiblir l'Arménie qui pourtant naguère était un pays dont elle était proche. Vous voyez bien là ce qui se passe : c'est une manœuvre de déstabilisation de la Russie dans le Caucase, cherchant à créer le désordre pour nous affaiblir et nous diviser. Pour le dire simplement, la France est là, présente, puissance de médiation, votre serviteur au nom de la France a mené cette négociation pendant la nuit de jeudi à vendredi dernier. Une mission se déploiera en Arménie, nous ne lâcherons pas les Arméniennes et les Arméniens, nous ne les lâcherons jamais.

N'y a-t-il pas une forme de tolérance vis-à-vis de l'Azerbaïdjan parce que l'on a scellé un accord sur le gaz ?

La France n'achète pas de gaz là-bas, il n'y a pas d'accord.

L'Europe, oui.

Plusieurs pays ont des accords gaziers. En ce qui concerne la France, et en ce qui concerne la voix de l'Europe, je le dis pour tous nos compatriotes, nos valeurs et nos principes ne s'achètent pas, ni à coup de gaz, ni à coup de pétrole.