C'est avec douleur et consternation que nous avons appris la mort prématurée de Rouben Shugarian. C'est une perte immense, pour l'Arménie mais aussi pour la diaspora.
L'un des diplomates arméniens les plus brillants de sa génération, Rouben Shugarian a été un des pionniers de la construction de la jeune République arménienne. Homme d’État plus que de parti, ce jeune diplomate, à l'intelligence vive, parfaitement bilingue arménien anglais avait été le premier ambassadeur d'Arménie aux États-Unis, à 31 ans à peine de 1993 à 1999. Tour à tour porte-parole de la présidence de la République et vice-ministre des Affaires étrangères, cet amoureux de la culture avec un grand C et grand connaisseur de la littérature contemporaine, était passionné des idées et de la chose politique. Son apport pour la théorie des relations internationales appliquées au dossier du rapprochement arméno turc, à la philosophie politique arménienne est inestimable , on citera parmi ses écrits, deux essais majeurs : West of Eden, East of the Chessboard: Four Philosophical Looks Upon the Unknown et surtout Does Armenia Need a Foreign Policy? parus respectivement en 2010 et 2018.
Né à Moscou le 19 octobre 1962, R. Shugarian était diplômé de l'Institut des langues russes et étrangères Valery Brusov à Erevan, et en 1989 de la Faculté de philosophie de l'Université d'Etat d'Erevan. De 1985 à 1991, il a été professeur d'anglais à l'Institut polytechnique d'Erevan. De janvier à novembre 1991, il est expert du Comité d'experts des affaires étrangères du Soviet suprême de la RSS d'Arménie, puis de novembre 1991 à juillet 1992, assistant du président de la République d'Arménie, Levon Ter Petrossian.
Cet homme d'une rare probité et d'une éthique à toute épreuve fut parmi les rares diplomates arméniens à dénoncer les massacres du 1er mars 2008 contre les manifestants pacifiques opposés à l'élection frauduleuse de Serge Sarkissian. Cette prise de position lui valut son poste d'ambassadeur à Rome accrédité en Italie, en Espagne et au Portugal.
Par la suite, il entama une brillante carrière de professeur à la prestigieuse académie diplomatique Fletchers de l'Université Tufts. Toujours actif dans le rayonnement de l'Arménie à l'international, il finira par bénéficier d'un retour de grâce tardif de la part de l'équipe de Nikol Pachinian qui le nomma l'an passé au poste de conseiller des affaires étrangères, afin qu'il fasse bénéficier à cette "nouvelle Arménie" de son expertise dans le domaine diplomatique.
Nos sincères condoléances à son épouse Lilith, ses trois fils Narek, Tigran et Haïk.
Tigrane Yegavian et l'équipe du Courrier d'Erevan