« La nouvelle de ma mort est grandement exagérée »

Région
10.09.2024

Lors de l'ouverture de la session d'automne à l'Assemblée nationale le 9 septembre, son président, Alen Simonyan, a annoncé vouloir dissoudre la commission interparlementaire Arménie - Artsakh et souhaiter réaffecté à d'autres emplois le bâtiment abritant à Erevan la représentation du Haut-Karabakh.

Par Olivier Merlet

 

Ce n'était pas vraiment un tour de chauffe, hier, pour les députés de l'Assemblée Nationale réunis en première session ordinaire de cette rentrée parlementaire d'automne.  Le président de l'Assemblée Nationale a d'emblée lancé les débats sur la question encore brulante de l'existence, au moins juridique, du Kharabagh, près d'un an après sa chute.

Aux questions des députés de l'opposition qui s'étonnaient de la non-convocation de la commission interparlementaire Arménie-Artsakh, Alen Simonyan a eu cette réponse on ne peut plus claire : « D'un point de vue juridique, l'entité du Haut-Karabakh n'existe pas. Je pense que nous devrions discuter de la question de l'annulation de ce format, car il n'y a plus de responsable du Haut-Karabakh, de l'Artsakh, et personne ne détient un tel statut en République d'Arménie ». Il n'en suffisait pas plus pour que les discussions s'enflamment au parlement.

« Si nous avançons avec la Constitution et les lois, l'expression juridique de l'Artsakh est présente non seulement dans de nombreuses lois de l'Arménie, mais aussi dans les traités internationaux » s'est opposé Artsvik Minasyan, ancien ministre de l'économie, puis de l'environnement, du gouvernement Sragsyan, et aujourd'hui secrétaire du parti "Hayastan".  « L'existence de ces documents n'est pas soumise au désir une personne qui essaie de l'abolir », a-t-il repris, « il y a des institutions pour cela. Vous n'avez pas le droit d'annuler [la commission, NDLR]. Il y a des personnes qui représentent la République d'Artsakh, des personnes élues par le peuple, et ces personnes doivent exercer leurs droits Tant que ces lois sont en vigueur, il est de votre responsabilité de les respecter ».

Le président de l'Assemblée nationale n'a bien sûr pas manqué l'occasion de faire remarquer que le dernier président du Haut-Karabakh, Samvel Shaharamyan avait lui-même signé l'acte de son autodissolution le 28 septembre 2023. Arthur Khachatryan a de nouveau justifié la décision, selon lui dictée par les circonstances, « pour empêcher un massacre, car après que les forces armées d'Arménie aient quitté l'Artsakh, les forces azerbaïdjanaises étaient très supérieures. Le document n'a pas été publié, le président de la République du Haut-Karabakh dit l'avoir lui-même annulé. Par quoi êtes-vous guidé en premier ? » a demandé le député, un temps ministre de l'agriculture du premier gouvernement Pashinyan.

« L'assemblée, le président du Haut-Karabagh, n'existe plus pour moi. Il y a un gouvernement en République d'Arménie, c'est le gouvernement élu par le peuple de la République d'Arménie, et aucun autre président, gouvernement, aucune juridiction parlementaire n'a aucun droit en République d'Arménie et n'en aura plus », a martelé Alen Simonyan. « Nous avons tout fait pour que l'Artsakh ait un avenir, mais les nouvelles autorités de l'Artsakh, qui ont destitué les autorités de l'Artsakh sous la pression, ont mis cet avenir sur un plateau et l'ont remis, puis sont montées à bord de l'hélicoptère et ont fui vers l'Arménie. Maintenant, ils sont ici et organisent des rassemblements au bureau de représentation de l’Artsakh en tentant de se débarrasser de cette culpabilité. Je pense qu’il faut aussi revoir la destination de ce bâtiment. Je pense qu'il ne devrait plus être utilisé à cette fin », a estimé le président de l'Assemblée nationale.

Au cours de cette séance, houleuse pour le moins, il a également mentionné certains propos que lui aurait tenu le précèdent président d'Artsakh, Arayik Harutyunyan, démissionnaire de ses fonctions quelques jours avant l'halali azerbaïdjanais. « Nous avons eu plusieurs conversations téléphoniques et il a même dit : « Un jour, vous vous réveillerez peut-être et vous verrez que je ne suis pas là, je suis sous une pression énorme ». Alen Simonyan a par ailleurs assuré que le gouvernement arménien n'avait pas participé aux discussions sur le document signé par Samvel Shahramanyan « Les autorités du Haut-Karabakh nous ont appelés en dernier recours pour nous prévenir de leur décision. C’est très important, ce n’était pas une discussion, les autorités d'Arménie ne pouvaient plus rien faire. Nous avons juste pu présenter une exigence que nous avions, à savoir qu'il y ait une référence à la République d'Arménie dans le texte établissant qu'elle n'avait rien à voir avec cette décision ».

« Ils ont laissé 150 000 personnes apatrides, aujourd'hui ils devraient se lever et blâmer cela » s'est élevé Ishkhan Saghatelyan, président du Conseil suprême de l'ARF Dashnaktsutyun, s'indignant de la référence faite à Arayik Harutyunyan, toujours emprisonné dans les geôles de Bakou. « Il n'y a pas eu de changement de pouvoir en Artsakh par la force, je vous l'assure, le moment viendra et ce sera clair ». Selon lui, le gouvernement actuel fait tout pour éliminer les fondements de l'État d'Artsakh dont le bâtiment de représentation dans la capitale arménienne reste l'organe et qu'il importe de préserver afin de soulever, le temps venu, les questions du retour des citoyens d'Artsakh et de leurs droits à la table des négociations.

Hier dans la soirée, Gagik Baghunts, président par intérim de la toujours existante Assemblée nationale d'Artsakh, commentait sur sa page Facebook les propos d'Alen Simonyan concernant la dissolution du format de la commission interparlementaire. « Je voudrais d'abord citer les lignes suivantes de Mark Twain : « La nouvelle de ma mort est grandement exagérée ». Concernant les activités de l'Assemblée nationale d'Arménie après le nettoyage ethnique qui a eu lieu en septembre 2023, je dois mentionner que les fonctionnaires/députés de l'Assemblée nationale d'Arménie, ayant reçu le vote du peuple d'Artsakh pour une période de 5 ans, continuent d'être responsables du sort des Arméniens d'Artsakh dans la situation actuelle et font tous les efforts possibles pour assurer leur sécurité et leur retour collectif dans leur patrie. Quant à la dissolution du format de la commission pré parlementaire, il existe des mécanismes appropriés à cet effet .

À ce propos, le travail et les relations des groupes interparlementaires et amicaux de l'Assemblée nationale arménienne se poursuivent avec les parlementaires et les groupes de France, de Chypre, de Grèce, de Belgique et d'autres pays ».