Ils n'ont pas fait de dragons !

Արվեստ և մշակույթ
20.10.2025

Installée le 13 juillet 2025 pour l’ouverture officielle du festival du film Golden Apricot, AHA collective expose dans sa galerie depuis le 21 août au 21 novembre les 8 pièces uniques de la deuxième collection du tapis rouge contemporain intitulée « Trame et variations », conçue par les designers Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï (Normal Studio, Paris). Pensé comme un projet miroir de la 13e Biennale Internationale de Design de Saint-Étienne, où l’Arménie est le pays à l’honneur avec l’exposition « En relief : créer en Arménie », le projet poursuit l’exploration du rituel contemporain du tapis rouge pour sa deuxième année. Le projet a été réalisé en partenariat avec l’Ambassade de France en Arménie / l’Institut Français, la Chambre de Commerce et d’Industrie France Arménie et Arm.Wool Project.

 

Par Jean Villemin, Écrivain, auteur-illustrateur

Deuxième édition. Bis repetita placent, cette année la structure curatoriale AHA collective a poursuivi son travail d’édition du tapis rouge contemporain pour l’ouverture du 22ème Festival International du Film d’Erevan Golden Apricot. Pour cette nouvelle collection, AHA collective a invité les designers Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï de Studio Normal (Paris). Cette collaboration a donné lieu à l'édition de huit tapis originaux, huit pièces uniques et remarquables.

Le tapis est le bagage du nomade qui va de pâturage en pâturage.  C'est le paradoxe arménien du peuple sédentaire qui a développé un art singulier.  Le dragon vichap-վիշապ est un des motifs emblématiques du corpus arménien. On a souvent voulu identifier le dragon à des origines extrême-orientales. On ignore alors la singularité d'un peuple qui vit sur un territoire instable.

Je veux parler des séismes, des secousses, des tremblements de terre. Les canyons zèbrent le paysage de l’Arménie. Les crevasses, les gorges, les entailles lézardent le territoire. Le dragon, c'est bien cette force occulte qui vit sous nos pieds ; le tapis est la représentation de l'espace domestiqué et apaisé. Le confort du velours constitue un écran entre le sol et soi. Il contribue à apprivoiser le funeste dragon souterrain.

Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï, les designers français ont bénéficié des savoir-faire traditionnels arméniens. Mais ils n'ont pas fait de dragons ! Dans les variations cramoisies* de vortan karmir, kermès animal, ils ont réussi à faire vibrer les espaces. On voudra y voir des harmonies chromatiques, mais ces tapis sont des sismogrammes.

On devra y découvrir l’enregistrement des vibrations provoquées par les inspirations de la croûte terrestre. Ces huit tapis dessinent, enregistrent et synthétisent les ondes sismiques, les séquences itératives. Ils participent aux mêmes conjurations rituelles traditionnelles, destinées à écarter le dragon et éloigner des périls.

Les tapis de Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï, ne représentent pas le cataclysme du tremblement de terre. Ils figurent les respirations chthoniennes. Ils vibrent mais ne rompent pas. Ce sont les musiques répétitives de la terre. Steve Reich graphique ! Tout va bien, il faut veiller !

 

*Cramoisi provient du terme kermès, la cochenille du chêne

 

Exposition « Trame et Variations. Normal Studio »

Galerie d’AHA collective

Moskovyan 31, Erevan

21 août – 21 Novembre, 2025

Ouvert tous les jours de 16h à 19h et sur rendez-vous.

www.aha.am