Lors d'un concours organisé à Moscou le mois dernier, la chanteuse russe Irina Zakharova - 31 ans - a été couronnée Miss Univers Arménie 2024 !
Par Olivier Merlet
L'indignation est grande en Arménie et au sein de la diaspora. Ce concours de beauté(s), censé désigner la représentante de l'Arménie pour la compétition mondiale de Miss Univers qui se tiendra en novembre au Mexique, a suscité de vives réactions concernant la légitimité d'Irina Zakharova à représenter le pays.
De vives protestations ont fusé sur les réseaux sociaux dès l'annonce des résultats. « Comment cette fille a-t-elle gagné le droit de représenter l'Arménie ? », s'indigne la journaliste, influenceuse et militante féministe Zara Ghazaryan, qui estime que cette décision prive les femmes arméniennes d'une opportunité rare de briller sur la scène internationale et remet en question le processus de sélection. Selon elle, le nom de l'Arménie est utilisé sans aucune véritable justification.
L'ancienne directrice du concours Miss Univers Arménie, Gohar Arakelian-Harutyunyan, a également critiqué cette élection, soulignant que depuis l'acquisition des droits d'organisation du concours par la société thaïlandaise JKN, les règles se sont largement assouplies. « Avant, seules les femmes vivant en Arménie et possédant un passeport arménien pouvaient participer. Elles devaient être âgées de moins de 28 ans et ne pas être mariées », argumente-t-elle. Il semble donc que ces critères aient disparu, offrant aujourd'hui la possibilité à n'importe quelle candidate étrangère de revendiquer le titre de Miss Univers Arménie.
La suspension du concours Miss Arménie, en 2022, faute de sponsors, Yulia Pavlikova - cette ressortissante russe originaire de Crimée, Miss Bulgarie 2023 (!!!) détient également les droits de Miss Univers Estonie - fait valoir son expérience pour en acquérir les droits. Pavlikova, acquisition par son expérience passée en tant que candidate. Bien qu'elle se vante de la confiance des organisateurs de Miss Univers qui verraient en elle « une dirigeante accomplie », ses méthodes ne sont pas du tout du goût des anciennes candidates arméniennes.
Gohar Arakelian-Harutyunyan exprime son inquiétude quant à l'organisation du concours en Russie, notant que la majorité des participantes sont des Russes ou des Arméniennes vivant en Russie. Elle se demande surtout comment la nouvelle Miss, Irina Zakharova, dénuée de tout lien profond avec l'Arménie, représentera l'Arménie lors du prochain concours. « Nos anciennes candidates ont souvent utilisé cette plateforme pour parler de sujets importants. Elles y ont soulevé de nombreux problèmes dans le passé, elles ont parlé de l'Artsakh, des droits des femmes. Bien sûr, nous n'avons pas obtenu une place de choix, mais notre voix a été entendue ».
Dayana Davtyan, Miss Univers Arménie 2019, a révélé de son côté qu'elle ignorait même que le concours avait eu lieu. Quant à Mirna Bzdigian, qui a représenté l'Arménie à Miss Monde en 2021, a contacté le ministère arménien de la Culture pour souligner l'importance de préserver l'identité nationale dans de tels événements. « Si nous permettons à des étrangères de représenter notre pays, nous perdrons notre identité et notre histoire », a-t-elle déclaré.
Le ministère de l'Éducation, de la Science, de la Culture et du Sport n'a pour l'instant fait aucun commentaire officiel sur cette affaire. Toutefois, à l'approche du concours Miss Univers qui aura lieu au mois de novembre à Mexico, la polémique continue de croître. Beaucoup estiment en effet que cette situation reflète une commercialisation excessive des concours de beauté, où l'argent et les intérêts étrangers prennent le pas sur la représentation authentique du pays.
L'affaire pose des questions plus larges sur le laisser-faire de la façon dont l'Arménie souhaite être représentée sur la scène internationale. Ce scandale révèle aussi la négligence et la désinvolture de ceux qui cherchent à moderniser les règles des concours de beauté vis à vis de ce que certains tiennent pour un autre symbole de l'identité nationale.