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Société
08.03.2023

Comme tous les ans en Arménie, cette journée du 8 mars, consacrée à toutes les femmes du monde, reste un moment réellement fort et particulièrement suivi. Un simple article ne suffirait toutefois pas à expliquer ce paradoxe certain, d'une société où les femmes sont tout à la fois vénérées - l'épouse et surtout la mère – mais où le caractère patriarcal, voire souvent machiste, même encore chez de nombreux jeunes, demeure également traditionnel. Mais pour aujourd'hui, contentons-nous de nous réjouir et de les célébrer comme elles doivent l'être.

Par Olivier Merlet

 

Ce n'est pas un jour mais tout un mois que l'Arménie rend hommage aux femmes, et ce depuis 1921. Du 8 mars, Journée internationale de la femme, et jusqu'au 7 avril, fête des mères et de la beauté, toute la gent masculine et la société arménienne toute entière célèbrent celles que le poète appelle: « l'avenir de l'homme ».

Le 8 mars 1977, l'assemblée générale des Nations Unies adopte une résolution invitant ses États membres à proclamer cette date comme Journée mondiale pour les droits des femmes et la paix internationale. Instituée dans les anciens pays soviétiques des 1921 par Lénine, elle se veut avant tout comme un manifeste pour la reconnaissance et la protection des droits des femmes, ainsi qu'un appel à l'action pour davantage de parité. Cette journée entend également rappeler les réalisations sociales, économiques, culturelles et politiques menés par des femmes

Dans de nombreuses entreprises arméniennes , le 8 mars est férié, pour les femmes tout au moins, censées ce jour-là pouvoir se détendre à leur guise. Lorsque ce n'est pas le cas, sur leurs lieux de travail respectifs, ou dans les commerces et bureaux qui de plus en plus se détournent de la tradition, employés et collègues masculins ne manquent pas d'attention, de cadeaux et de vœux chaleureux pour célébrer leurs collaboratrices. À la maison de même, les autres membres de la famille sont supposés les préserver de toute tâche domestique… De l'idéal proclamé au secret des foyers, seules de petites souris, comme l'on dit, pourraient témoigner de la réalité des choses…

Comme il est souvent de règle quel qu'en soit la fête, ce mois de la femme arménienne n'a pu se soustraire aux récupérations commerciales et mercantiles. Les magasins ne manquent pas d'y aller de leurs réductions et prix spéciaux réservés aux femmes, restaurants et cafés proposent des formules tout aussi spéciales et même les banques affichent des conditions de prêt assorties de privilèges ponctuels et genrés.

Mais c'est aussi le mois des fleurs. Et si là encore, le commerce et l'intérêt ne sont pas absents, au moins participent-ils d'une belle tradition que l'on souhaite voir durer. Dès le 8 mars, à Erevan, jeunes filles et femmes de "toutes jeunesses" auront peut-être la chance de recevoir une fleur de la part de jeunes garçons, dans la rue… la municipalité n'est toutefois pas totalement étrangère au geste. Peu importe. Et dans tout le pays, pendant tout un mois, de la part de leur famille, de leurs amis, de leur amoureux -voire de leur amant !- et même d'autres femmes, les femmes reçoivent des fleurs. Car ce mois de la femme accompagne aussi le retour du printemps, celui de la renaissance après les rigueurs de l'hiver, le rajeunissement, le renouvellement, la résurrection… Toutes ces couleurs et cette fraîcheur, cette lumière qui rend les âmes heureuses.

Après l'indépendance en 1991, les velléités de remplacer, dans la liste des jours fériés, le 8 mars par le 7 avril n'ont jamais abouti, tant la tradition était si profondément ancrée dans la société arménienne. C'est finalement de ce fait que toute la période jusqu'au 7 avril est aujourd'hui considérée comme le mois des femmes arméniennes.

Quelques féministes rejettent - sans doute par principe -  la tradition charmante et naïve qui veut que les hommes offrent des fleurs aux femmes pour lui préférer un discours militant et sociétal, motivation originelle et signification historique de cette journée consacrée à leurs droits. Elles rappellent à ce titre les événements de 1917 à Saint-Pétersbourg, il y a 116 ans, lorsque les femmes se mettaient en grève, prémices annonçant la révolution russe.

La Journée internationale de la femme devrait en tous cas rester pour beaucoup de "mâles" en Arménie comme l'occasion de réfléchir à plus d'égalité et surtout de considération vis-à-vis du courage et de la détermination de ces femmes ordinaires qui ont joué et n'en ont pas fini, un rôle extraordinaire dans l'histoire du pays et de la communauté.