Depuis 2012, la Fondation Repat Armenia, institution non gouvernementale à but non lucratif, s'est engagée dans la promotion active du rapatriement en Arménie de spécialistes qualifiés en développant à leur intention un processus d'accompagnement et un environnement favorable à leur intégration dans le pays.
Vardan Marashlyan a quitté la Russie pour s'installer en Arménie en 2010. Après avoir occupé pendant deux ans et demi le poste de vice-ministre de la diaspora et réalisé toute l'importance stratégique du rapatriement, il fonde son organisation en juillet 2012, Repat Armenia, dont il est aujourd'hui le directeur exécutif et dont la vocation sera d'offrir un système de soutien aux rapatriés et d'aider le gouvernement à élaborer une véritable politique de rapatriement.
« Nous avons commencé le travail avec 12 personnes », se souvient-il. « Certains d'entre nous pensaient à lancer un site web ou un système d'information qui aiderait les rapatriés, tandis que les autres attachaient de l'importance à la fondation d'une organisation concrète qui aurait des employés pour aider ceux qui veulent s'installer en Arménie. C'est ainsi que nous avons uni nos forces et que la fondation Repat Armenia a été créée. Cette période a également coïncidé avec l'arrivée de nos compatriotes de Syrie, nous avons lancé l'organisation volontairement pour aider consciemment le rapatriement ».
Les experts de Repat Armenia sont conscients que le rapatriement est un processus difficile. Personne ne prend une telle décision d'un seul coup. Les gens souhaitent d'abord mieux connaître l'Arménie et ils le font par le biais du volontariat, de cours éducatifs de courte durée et d'autres programmes.
Selon Vardan Marashlyan, de nombreux secteurs en Arménie souffrent d'un manque d'experts, mais les salaires ne sont pas attractifs. « La seule chose positive après la pandémie est que le monde est devenu global. La plupart des gens peuvent travailler à distance. Nous l'avons vu lors de l'arrivée des Russes. Les gens s'installent en Arménie mais le produit qu'ils créent est vendu à l'étranger. Il y a une demande de spécialistes en marketing, en exportation des ventes, en gestion professionnelle et dans les secteurs de la haute technologie en Arménie. Nous constatons que les organisations locales sont prêtes à payer très cher ceux qui peuvent apporter un changement qualitatif », soutient-il, évoquant la question de l'emploi des rapatriés.
Repat Armenia coopère avec différents organismes : le Haut-Commissariat aux affaires de la diaspora, le service des migrations, 818 Consulting et d'autres organisations spécialisées dans les questions de l'environnement du rapatriement, la législation et le secteur des médias.
Repat Armenia a également tissé un réseau de rapatriés - un groupe fermé sur Facebook reliant plus de 12 000 personnes qui tentent de s'entraider sur diverses questions. Les rapatriés ou ceux qui ont l'intention de le faire posent des questions dans le groupe et reçoivent des réponses pratiques. Beaucoup sont originaires de la même ville, ont la même profession, connaissent les mêmes problèmes ou préoccupations. Repat Armenia s'attache à leur trouver un emploi, à les soutenir dans le lancement de leur propre entreprise et participe à leur promotion sur le marché arménien.
« Fin 2021, nous avons mis en œuvre un programme pilote de soutien à l'emploi » explique Vardan Marashlyan. « Au cours du premier programme, 23 personnes du Liban ont déménagé en Arménie. 18 d'entre elles se sont installées en Arménie et sont employées, l'une d'entre elles a lancé sa propre entreprise. Nous avons mis en œuvre le deuxième programme pour nos compatriotes russophones. 30 des 34 personnes sont en Arménie et toutes sont employées ou ont leur propre entreprise. Dans le cadre du programme, nous avons fourni le billet d'avion pour l'Arménie, un soutien mensuel de 100 000 drams et la participation à des cours d'arménien ».
Un bon millier de personnes postulent à Repat Armenia chaque année. La plupart d'entre elles sont des personnes âgées de 25 à 40 ans, hautement qualifiées, qui ont des idées intéressantes et une bonne capacité d'adaptation. Elles sont originaires de Russie, des États-Unis, du Liban, du Canada, d'Iran, de Syrie, de France et d'Australie.
« Il est difficile de dire combien de personnes ont été rapatriées avec notre soutien depuis 2012 car nous n'avons pas de loi sur le rapatriement, l'État n'a pas de système de soutien au rapatriement. Il n'y a pas de statut, donc il n'y a pas de statistiques. Nous estimons que 2000 à 3000 Arméniens partent chaque année en Arménie sur un principe volontaire, mais nous recevons souvent des demandes de personnes qui partent plusieurs années après. Ils visitent nos événements et notre bureau, suivent nos discussions en ligne, mais la décision de rapatrier n'est pas toujours prise rapidement. Dans certains cas, cela prend des années ».
Vardan Marashlyan remarque qu'après la guerre des 44 jours de 2020, les Arméniens ont exigé un changement qualitatif sérieux dans la politique national de rapatriement. Selon lui, les défis auxquels l'Arménie et le peuple arménien sont confrontés sont très sérieux. Lors de la mise en œuvre du programme pilote, Repat Armenia organise donc des entretiens avec les candidats afin de cerner leurs capacités professionnelles et de comprendre leurs motivations vis-à-vis du rapatriement. À la question de savoir à quand remonte la décision de s'installer en Arménie, un candidat sur cinq a répondu après 2018, et un sur trois après 2020. Selon le directeur exécutif de l'organisation, les candidats prennent consciemment la décision de vivre en Arménie en toute conscience.
« Je rêve qu'un jour, en collaboration avec le secteur privé et le gouvernement, nous élaborions le genre de système grâce auquel 100 000 Arméniens viendraient en Arménie chaque année, se rapprocheraient de leur patrie et la considéreraient comme une partie importante de leur identité. Je rêve d'un système qui amènerait 80 000 Arméniens dans leur pays d'origine pour y acquérir une expérience professionnelle, qui amènerait 20 000 Arméniens qui s'installeraient ici en Arménie. Dans ce cas, nous aurions un système circulatoire avec la bonne pression. Lorsque nous examinons les relations entre l'Arménie et la diaspora et que nous considérons l'Arménie comme le cœur, nous devons constater qu'elle fournit une faible pression sanguine au système circulatoire. S'il existait un système permettant d'amener le nombre de personnes susmentionné en Arménie, nous contribuerions également à ce que la diaspora soit moins assimilée, car elle a aussi ses propres problèmes », déclare Vardan Marashlyan.
Ishkhan Sahakyan, coordinateur de la communication de Repat Armenia, est lui-même un rapatrié. Installé en Arménie il y a dix ans, il considère lui aussi le rapatriement comme un processus difficile et reconnait que chaque situation a ses propres problèmes. « Nous offrons des consultations. Chaque rapatrié peut nous contacter par l'intermédiaire de notre site web, repatarmenia.org, de notre compte Facebook officiel ou en se rendant dans nos bureaux. La consultation est gratuite et dure 30 minutes. Je réponds ici à toutes les questions des rapatriés : comment trouver un emploi, quels sites web utiliser pour la recherche d'un emploi, comment trouver un appartement, comment contacter des avocats qui aideront à la relocalisation des affaires ou à l'expédition de marchandises en Arménie, etc.», déclare Ishkan Sahakyan, notant que la plupart des questions sont liées à l'emploi. Les rapatriés peuvent envoyer leur CV via le site officiel de Repat Armenia. Ceux-ci sont étudiés, traduits si nécessaire et mis à jour afin que l'organisation essaie de trouver un emploi correspondant avec le soutien de 818 Consulting. Repat Armenia organise également des réunions de travail ou des entretiens entre les candidats et des organisations sélectionnées leur permettant d'augmenter leurs chances d'être embauché.
Mais le processus d'intégration ne se limite pas à l'emploi, Repat Armenia organise également divers événements permettant aux rapatriés de se connaître, de communiquer et de se lier d'amitié. Des visites touristiques sont aussi organisées. « Nous fournissons également aux rapatriés une assurance médicale, des voitures de location, des prix réduits dans des restaurants et des hôtels, dont certains, d'ailleurs, appartiennent aux anciens candidats eux-mêmes. Nous bénéficions donc d'un soutien mutuel », ajoute Ishkhan Sahakyan.
Kristine Baroyan est une rapatriée née à Stepanavan. Elle avait quatre ans lorsque sa famille a déménagé en Russie. Elle est rentrée en Arménie pour assister au mariage d'un couple de ses amis, puis a décidé d'obtenir un passeport arménien et de trouver un emploi dans le même temps. Elle s'est inscrite à Repat Armenia après avoir entendu parler de l'organisation.
« J'ai été invitée à un entretien au cours duquel ils ont appris à connaître mes compétences professionnelles et mes exigences, ils m'ont donné des conseils utiles sur les spécificités de la recherche d'emploi et, une semaine plus tard, j'ai passé un entretien chez mon employeur actuel. Deux jours plus tard, j'ai reçu une offre d'emploi de leur part et j'ai pris ma décision finale de rester en Arménie. Je travaille dans le secteur informatique », raconte Kristine.
Cette amoureuse de la nature arménienne confie aussi apprécier tout particulièrement l'attitude et l'hospitalité des gens d'Arménie. « J'ai été surprise par la gentillesse des gens. Des habitudes de la vie quotidienne me semblaient étranges dans les débuts, mais avec le temps, on s'adapte et on comprend pourquoi les gens pensent de telle ou telle façon. On voudrait tout changer pour le mieux. Dans certains cas, vous réussissez, dans d'autres, non », reconnait-elle.
Source Armenpress