La vidéo d'une scène de crime de guerre contre des soldats arméniens a été mise en ligne sur le réseau Telegram dans la nuit de samedi à dimanche.
Par Olivier Merlet
La scène est édifiante, sauvage et incroyable… Cinq soldats terrés dans un trou rocailleux (on parle de sept !) sont soudain encerclés par au moins huit autres guerriers. Des cris, surexcités, on ne voit pas les visages, mais à leurs hurlements, leurs caques et l'équipement qu'ils portent sur les épaules, les assaillants ne sont pas arméniens, ceux dans le trou le sont.
L'action est très rapide. Un coup de feu part, à bout portant, et c'est un déluge de balles crépitantes qui s'abat sur les malheureux. Les corps tombent, se recroquevillent, tressaillent, privés de vie, ils se tordent encore sous les tirs acharnés. La vidéo dure 39 secondes, elle semble avoir été postée de Moscou et reprise sur le réseau social Telegram dans la nuit du 1er au 2 octobre par un groupe appelé Tsehakron. Ces images sont d'une netteté et d'une définition cinématographique. Bien qu'à contre-jour, la lumière et le rendu-couleur chaleureux d'un soleil couchant rajoutent encore au surréalisme du moment.
Il semble pourtant bien réel, selon le bureau arménien pour la défense des droits de l'homme qui confirmait dans l'après-midi de dimanche avoir authentifié la vidéo : « l'incident s'est produit lors d'une attaque à grande échelle des forces armées azerbaïdjanaises sur le territoire souverain de la République d'Arménie, le 13 septembre de cette année. Ce fait est confirmé par une combinaison d'examen du terrain, de matériel vidéo similaire dans notre base de données et d'autres, ainsi que par une combinaison complexe de conditions météorologiques, d'uniformes du personnel militaire, de la conversation des militaires azerbaïdjanais et d'autres paramètres. Il s'agit d'un autre crime de guerre commis par les forces armées azerbaïdjanaises ». Il y a moins de deux semaines en effet, la photo d'une femme torturée et décapitée servant dans l'armée arménienne avait circulée sur ces mêmes réseaux sociaux, provoquant la stupeur et un très vif émoi dans le pays.
De Paris à Washington en passant par Bruxelles et Genève, l'émotion et les réactions ont été unanimes, bien que plus réservées. Toïvo Klaar, le représentant spécial de l'Union Européenne pour le Caucase du Sud tweetait sur sa page personnelle : « Une autre vidéo horrible est apparue montrant des prisonniers de guerre arméniens apparemment exécutés. S'il est prouvé que cette vidéo est authentique, il s'agit d'un crime de guerre qui doit faire l'objet d'une enquête et les auteurs doivent être punis »
Depuis Genève où il s'apprêtait à rencontrer le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères pour discuter de paix, Ararat Mirzoyan a déclaré : « De nombreuses vidéos régulièrement diffusées par les utilisateurs azerbaïdjanais sur les réseaux sociaux démontrent les crimes de guerre, les exécutions extrajudiciaires de prisonniers de guerre arméniens, la torture de militaires arméniens, y compris des femmes, et la profanation de cadavres commis par les forces armées azerbaïdjanaises.
La République d'Arménie exige une évaluation claire des crimes de guerre épouvantables commis par les forces armées azerbaïdjanaises au cours de cette période et des périodes précédentes. Nous nous efforcerons constamment d'exprimer le problème devant les plateformes et les tribunaux internationaux compétents et de traduire en justice les auteurs et les organisateurs des crimes susmentionnés, y compris par l'application de sanctions internationales. Dans ce contexte, une enquête internationale en bonne et due forme s'impose ».
Ce matin, le porte-parole du représentant de la République d'Arménie pour les affaires juridiques, Hasmik Samvelyan, annonçait avoir présenté « de nouvelles requêtes contre l'Azerbaïdjan à la Cour de justice européenne et internationale de l'ONU, avec une combinaison de faits et de documents accompagnés de preuves claires ».