L'Assemblée parlementaire Euronest, "le Partenariat oriental" de l'Union Européenne, réunissait deux de ses commissions au Palais des Sports d'Erevan le mardi 22 février. Pour la première fois depuis plusieurs années, une délégation officielle azerbaïdjanaise se rendait en Arménie.
Texte et photos Olivier Merlet
La question ukrainienne était bien sûr au cœur de toutes les attentions de la réunion arménienne de l'Assemblée parlementaire Euronest. Cette dernière a adopté une déclaration commune de ses membres « condamnant avec la plus grande fermeté la reconnaissance illégale par la Russie des zones occupées des oblasts de Donetsk et de Louhansk », réaffirmant son « ferme attachement au respect de toutes les valeurs au cœur du Partenariat oriental, à savoir la démocratie et le droit de choisir nos propres accords de sécurité, y compris les traités d'alliance, qui doivent tous être respectés et renforcés, dans l'intérêt des citoyens que nous représentons ».
Pour certains parlementaires, les ressorts de la crise en Ukraine aujourd'hui ne sont pas sans évoquer certains parallèles avec ceux du conflit du Haut-Karabakh. La question de son règlement a d'ailleurs été discutée en séance, dans la cadre de celles, plus générales, sur la sécurité dans le Sud-Caucase, sujet initialement inscrit à l'ordre du jour de la commission politique.
Comme l'a souligné officiellement Maria Karapetyan, membre du "Contrat civil" et chef de la délégation arménienne à l'Assemblée parlementaire Euronest, « députés arméniens et azerbaïdjanais ont échangé leurs points de vue ». Réel euphémisme tant la tension était palpable.
Après avoir appelé à la libération de tous les prisonniers de guerre, à un accord sur les modalités de démarcation des frontières et à l'accès sans entrave des organisations humanitaires aux sites du patrimoine culturel d'Artsakh, la députée de la majorité était revenue sur les bénéfices, selon elle, de la normalisation des relations arméno-turques envisagées indépendamment du conflit du Karabakh et du rétablissement des voies de communication transfrontalières. « Nous saluons le processus et voulons voir des résultats. Cela signifie ouvrir la frontière arméno-turque fermée sur décision de cette dernière.»
Prenant tour à tour la parole, mais sur un ton beaucoup moins conciliant, les députés du bloc d'opposition "Hayastan" ont fustigé l'attitude des autorités azerbaïdjanaises depuis la fin des hostilités ouvertes, se gardant toutefois d'avancer la moindre proposition de quelque type que ce soit. « L'Azerbaïdjan et la Turquie ont commis des crimes impliquant des terroristes, mais n'ont pas été sanctionnés par l'Europe. Leurs actions restent impunies et violent le droit international » rappelait Arthur Ghazinyan. « L'Artsakh a été et restera arménien, il en relève du devoir sacré de chaque Arménien », a poursuivi Arthur Khachatrian. Hayk Mamijanian, du parti "J'ai l'honneur" ajoutait : « L'établissement du droit du peuple d'Artsakh à l'autodétermination est inéluctable » ․
Le chef de la délégation azerbaïdjanaise Tahir Mirkishili a donc répondu sur un même registre, déclarant qu'il ignorait ce dont parlaient les députés arméniens puisqu'il ne connaissait aucune république du nom auquel ils faisaient référence, s'insurgeant par ailleurs contre la présentation au cours des exposés d'une carte du territoire du Haut-Karabakh : « Vous avez montré sur une diapositive une carte sur laquelle une partie de l'Azerbaïdjan n'est pas représentée correctement. Je pense que c'est une provocation. »
Reprenant la conduite des débats, Marina Kaljurand, députée socio-démocrate lituanienne, déclarait que « le Parlement européen n'[avait] pas reconnu les résultats de la guerre et qu'il [avait] clairement déclaré que la guerre ne peut jamais être considérée comme une solution acceptable » Renvoyant les parties dos à dos, la députée européenne les a appelées à s'abstenir de toute rhétorique insultante. « Nous parlons à la fois des dirigeants des pays concernés et de leurs représentants parlementaires. Nous, en tant que membres du Parlement européen, sommes venus ici pour vous aider mais ne pouvons résoudre vos problèmes à votre place. Vous devez vous y atteler, nous sommes prêts à vous aider, dites-nous simplement où, quand et comment. »
En marge de ces discussions, des manifestants s'étaient donné rendez-vous à l'extérieur du bâtiment pour exprimer leur indignation face à la venue de la délégation azerbaidjanaise en Arménie. Des personnalités comme Metaxe Hakobyan, membre de l'Assemblée nationale de la République d'Artsakh, Naïra Zohrabian, ancienne députée auprès du parlement européen ou encore Larisa Alaverdian, première femme ombudsman d'Arménie les ont rejoints au cours de la journée pour leur apporter leur soutien.