Le 2 octobre, Gevorg Avagyan, un habitant de Ninotsminda, une région peuplée d'Arméniens en Géorgie, est parti pour l'Arménie pour participer à la guerre qui a éclaté en Artsakh.
Par Kristine Aghalaryan (https://hetq.am)
Les gardes-frontières géorgiens l'ont averti qu'il perdrait sa nationalité géorgienne s'il traversait la frontière. Gevorg a la double nationalité géorgienne et arménienne. Il n'a pas hésité à remettre son passeport géorgien aux garde-frontières, confirmant qu'il y renonçait.
Bien que la Géorgie ait déjà inscrit une disposition sur la double nationalité dans sa constitution, les mécanismes de maintien de la nationalité géorgienne en présence de la nationalité d'un autre pays n'ont pas encore été réglementés.
Après plusieurs conversations téléphoniques avec leurs supérieurs, les gardes-frontières ont autorisé Gevorg à traverser la frontière géorgienne et lui ont rendu son passeport.
Ce n'est qu'une fois sur le territoire Arménien que Gevorg a appelé sa famille, leur disant qu'il partait pour l'Artsakh. Il comprenait bien qu’il était fils unique, qu’il avait trois enfants mineurs et qu’il était le seul pourvoyeur de la famille. Famille, qui aurait beaucoup de peine suite à sa décision.
Gevorg Avagyan a 33 ans. À Ninotsminda, il réparait des voitures. « Je travaille dans notre ville. Ou plutôt, je travaillais. Maintenant, je ne sais plus ce que je vais faire. Il semble que je sois devenu handicapé ... », dit Gevorg avec un certain désespoir.
Dès qu’il a entendu la nouvelle du déclenchement de la guerre en Artsakh, il a fait ses bagages en quelques heures. Avec des amis proches, ils ont décidé de se porter volontaires et de collecter de l’aide humanitaire pour l'Artsakh. Selon Gevorg, beaucoup se sont inscrits comme volontaires à Djavakhk, mais peu d’entre eux sont encore partis.
Le lendemain de son arrivée en Arménie, le 3 octobre, Gevorg s'est enrôlé dans un détachement formé par l'ONG Mouvement volontaire du combattant de la liberté Mher Harutyunyan et est parti pour la ligne de front.
Son détachement a pris position dans la partie nord-est de la ligne de front. Trois jours plus tard, ils se sont retrouvés face à face avec un groupe subversif de l’adversaire. « Nous étions deux, nous sommes allés chercher du pain. Les gars sont restés plus haut. Et soudain, j'ai entendu le cri "Allah Akbar !" Pour être honnête, je pensais que c'était nos gars qui plaisantaient, car un "Allah Akbar" dans l'après-midi, ça ne rimait à rien. Cependant, le gars qui était avec moi est aussitôt tombé d'une balle dans la tête. J'ai réalisé que ce n'était pas une blague. La bataille a commencé. J'ai réussi à tirer sur deux d’entre eux et j'ai commencé à descendre dans la gorge. Ils se sont mis à tirer d’en haut, ils m’ont touché les jambes et le dos », raconte Gevorg.
En haut, le reste du détachement est entré dans la bataille. Ils ont réussi à neutraliser un groupe subversif de 25 à 30 personnes. Pendant la fusillade qui a duré deux heures, Gevorg est resté coincé dans la gorge. Lorsque l'ennemi a été détruit, les gars l'ont fait sortir et l'ont emmené d'abord à Martakert, puis à l'hôpital de Stepanakert, et de là à Erevan, car il avait besoin d'une chirurgie complexe.
Gevorg a été blessé aux deux jambes, les nerfs ont été endommagés, ce qui fait qu'il ne peut pas encore marcher. Un autre coup de feu l'a touché dans le dos, dans la région du rein gauche. Les médecins ont déclaré que Gevorg aura besoin de 6 mois à un an pour se rétablir, après quoi il pourra à nouveau marcher.
« Ma jambe droite pendait. J'ai été amené à Erevan pour subir une opération. Ils m'ont tiré dessus avec des mitraillettes. Il y avait un éclat dans mon dos, mais je ne sais même pas quand je l’avais reçu. Je ne l'ai découvert qu'à l'hôpital », poursuit Gevorg.
Plus tard, le représentant du ministère arménien de la Défense Artsrun Hovhannisyan a déclaré que le 6 octobre, avec la participation active d'un détachement de l'ONG Movement volontaire, une contre-attaque avait été lancée, à la suite de laquelle la hauteur de Varankatagh (Lulasaz) avait été reprise.
Selon Gevorg, pour une personne qui part en guerre, le plus important est son esprit intérieur, la conscience de la nécessité de protéger sa famille, son peuple.
« Tous nos gars étaient des combattants qui vont au-devant de la mort. Ils ont regardé la mort dans les yeux, mais ils sont restés jusqu'au bout. Il n'y avait pas de peur, aucun de nous n'avait peur. Avant de partir, je n'aurais jamais imaginé que la guerre serait comme ça. Nous nous battions contre le monde entier. S'ils criaient « Allah Akbar », cela voulait dire qu'ils étaient des mercenaires islamistes, pas des azerbaïdjanais », note Gevorg.
Depuis, Gevorg est sorti de l'hôpital et est retourné chez lui à Ninotsminda. À sa grande surprise, à son retour en Géorgie, les gardes-frontières géorgiens l’ont autorisé à traverser la frontière avec son passeport géorgien. Gevork suppose qu'il n'a pas été déchu de sa nationalité en raison des prochaines élections législatives.
Notre conversation était périodiquement interrompue par des cris et des pleurs d’un enfant. Gevorg a fait une remarque à son fils en dialecte arménien de Javakhk. Monte est le fils cadet de Gevorg. La famille a deux autres enfants - le fils aîné et une fille. Avag a 12 ans. « J’aurai encore des enfants. Les Arméniens doivent avoir beaucoup d'enfants », dit mon interlocuteur.
Je demande à Gevorg de me donner une ou deux photos prises en première ligne. Il dit qu'il n'a qu'une seule photo en tenue militaire.
« Je n'aime pas m’afficher et je n'ai pas de photo », me dit-il.
Source: hetq.am