Après la dernière guerre du Haut Karabagh, le monde arménien- que soit l’Arménie ou la diaspora, semble être sensibilisé et mobilisé comme jamais, afin de poser les jalons d’un nouveau pays, plus solide. « La guerre c’est malheureusement un drame, mais cela permet de réveiller toutes les consciences » -, dit notre interlocuteur, le Dr. Gérard Hovakimian, chargé de communication avec Stéphan der Agopian auprès de Santé Arménie et Président de l’association « Transplant to Armenia ».
Par Lusiné Abgarian
Le collectif franco-arménien « Santé Arménie » présidé par le Professeur Arsène Mekinian, s’inscrit justement dans cette perspective. Né spontanément il y a seulement quelques mois avec la guerre, ce collectif réunit aujourd’hui environ plus de 300 médecins hospitalo-universitaires d’origine arménienne ou non, mais également des kinésithérapeutes, des pharmaciens et des infirmières. Santé Arménie mène actuellement plusieurs types d’actions, allant des soins immédiats aux blessés de guerre, à la reconstruction des hôpitaux et à la formation des médecins arméniens.
En effet, Santé Arménie poursuit actuellement 4 types d’actions qui s’articulent autour de 4 grands chantiers avec, l’envoi dans un 1er temps de missions de chirurgiens et des spécialistes des grands brûlés pour soigner les blessés au phosphore et aux bombes à fragmentation. Dans un 2ème temps, des missions de psychiatres et de rééducateurs ont été mises en place pour la prise en charge du stress post-traumatique, aussi bien au niveau psychique qu’au niveau du handicap moteur. Le Dr. Hovakimian souligne particulièrement, qu’à côté de la demande à la réhabilitation physique, existe aussi celle à la réhabilitation mentale, car « les jeunes militaires sont dans un état de sidération psychologique absolument incroyable ». Il constate d’ailleurs, que « La psychiatrie n’est pas un domaine développé en Arménie, dû à l’ancien régime soviétique où la psychiatrie, en tant que discipline était pratiquement inexistante. La pédopsychiatrie est une spécialité qui n’existe pas en Arménie », d’où la nécessité de former les psychiatres arméniens à cette spécialisation.
Les cibles du collectif sont donc, la prise en charge des blessés du front qui se retrouvent dans presque tous les hôpitaux d’Erevan. Pour dispenser des soins médicaux de manière plus effective, Santé Arménie reçoit également en France des dossiers qu’il transfère à son tour en Arménie en essayant d’orienter les gens vers différents centres de soins, afin qu’ils soient pris en charge de façon optimale. Pour le moment, tous les patients qui ont besoin de soins sont en passe d’être identifiés, - confirme le Dr. Hovakimian.
Santé Arménie souhaite également travailler sur le long terme. En effet, l’autre grand projet de ce collectif est la restauration des hôpitaux en Arménie, aussi bien à Erevan que dans les autres villes d’Arménie. Dans ce cadre, ils vont prochainement acheter un scanner pour l’hôpital de Goris, grâce au soutien de l’association de SOS Chrétiens d’Orient.
Enfin, le quatrième axe du collectif concerne la formation des médecins arméniens à la médecine européenne. Pour mettre en place ce projet, le collectif organise mensuellement des réunions à distance réalisées par des spécialistes français pour les spécialistes arméniens, afin de les former par exemple à l’anesthésie et à la réanimation, la médecine interne, ... Le Dr. Hovakimian tient particulièrement à souligner que « cela ne veut pas dire que les médecins arméniens ne sont pas bien formés, mais le but est d’essayer de les mettre au niveau de la médecine européenne. Actuellement les médecins arméniens ne publient pas suffisamment dans les revues scientifiques internationales, et le collectif travaille également dans ce sens».
Pour la mise en place de la totalité de ces actions, Santé Arménie réunit autour de lui tout le réseau des associations et des compagnies qui interviennent depuis de nombreuses années dans le domaine de la santé, notamment HayMed, Transplant to Armenia, UMAF, UMAF Rhône Alpes, EliseCare, ASAF. L’Ambassade de France est l’un des premiers soutiens du projet en Arménie.
« Notre volonté est de faire de l’Arménie une plaque tournante de la santé dans le Caucase. On veut que l’Arménie soit un pays d’excellence, on veut que les gens de la région viennent se faire soigner en Arménie, car cela améliorerait la vitrine de l’Arménie sur le plan international, et cela rapporterait des devises et générerait du travail pour les Arméniens. La santé et l’économie sont deux liens incontournables. On a vu avec la crise du Covid, que les gens en mauvaise santé produisent moins, cela pénalise l’économie ». Le Dr. Hovakimian souligne à ce propos, que si l’Arménie a un système de santé performant comme en France ou en Europe, les gens resteront en Arménie. « Car la santé représente la deuxième cause d’exil des Arméniens ».
Le collectif Santé Arménie a permis également d’effectuer une transmission intergénérationnelle, car de plus en plus de jeunes spécialistes arméniens de la diaspora, ayant pris conscience de leurs origines, rejoignent le collectif tous les jours. Il est à noter également que santé Arménie communiquent régulièrement avec les autres associations médicales en Europe, en Russie et aux US, afin de coordonner les différents mis en place.
« J’ai fait partie des premières missions après le tremblement de terre, où on l’a soigné des gens et on est reparti. C’était une grande erreur. Maintenant il faut reconnaître cette erreur et travailler sur le long terme », - conclut Monsieur Hovakimian.
Pour information: le premier congrès de Santé Arménie se tiendra à Erevan, les 13 et 14 mai 2021.